La mode, la mode, la mode ! Terrain de jeu pour beaucoup, elle a pourtant un revers bien plus sombre, plus dark comme dirait l’autre. Entre les ouvriers laissés pour compte, l’environnement malmené ou encore les animaux exploités, l’industrie du textile a bien des choses à se reprocher…
Une mode jetable ou le problème de la surproduction
Nos penderies sont abreuvées de vêtements, nourries par notre irrésistible envie de nouveauté. Mais c’est qu’on frôle l’overdose ! D’après Greenpeace, l’industrie du prêt-à-porter a produit, en 2014, - accrochez-vous - près de 100 milliards de vêtements.
Bien que l’on ne cesse de faire l’acquisition de nouvelles toilettes, comme aime à le dire ma grand-mère, beaucoup restent sur leurs cintres. Cela représenterait tout de même, pour nous habitants de l’UE, un tiers de notre garde-robe qui n’aurait pas vu le jour depuis au moins un an, selon le Parlement européen.
Et la cadence de nos achats s’accélère, toujours selon Greenpeace, en 2018, elle aurait augmenté de 60 % en 15 ans ! Le WWF prévoit même une hausse de la demande, l'on passerait de 62 millions de tonnes en 2015 à 102 millions de tonnes en 2030.
Ce phénomène, on l’appelle la « fast fashion », une mode jetable en somme. Les enseignes de prêt-à-porter renouvellent leurs collections très rapidement, mais vraiment très rapidement : toutes lesdeux semaines, voire toutes les semaines. Appâtés par une mode qui se renouvelle en permanence accompagnée de prix toujours plus bas, on consomme des vêtements.
Et alors, vous imaginez bien que les soldes et les promos n’arrangent rien à l’affaire.
Tiens, vous êtes-vous déjà demandé comment il est possible d’avoir des prix si bas ? Eh bien, il faut dégrader la qualité.
Que ce soit au niveau du tissu, des coutures ou des finitions. On brade tout.
Résultats :
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la matière n’est pas résistante ;
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le vêtement se déforme ;
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le tissu bouloche ;
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le collant file ;
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le t-shirt s’élime, etc.
Les vêtements de mauvaise qualité s’usent très vite. Vous pouvez le constater au bout de quelques passages en machine.
Merci la fast fashion et ses vêtements prêts-à-jeter.
Bref, on jette.
Mais ne vous y trompez pas, la qualité baisse pour diminuer les coûts de production, mais aussi pour nous inciter à consommer encore et encore. Malin !
Cette fois, on appelle ça l’obsolescence programmée. Vous en avez peut-être déjà entendu parler, ce sont toutes les techniques permettant de réduire la durée de vie d’un produit.
En plus de ça, la qualité n’étant plus au rendez-vous, il est beaucoup plus difficile de réutiliser les vêtements. Et il est également plus compliqué de les revendre, acheter de nouveaux habits étant bien plus intéressant.
Car oui, tiens, on pense faire une affaire alors que sur la durée, cela nous revient souvent à plus cher de renouveler nos vêtements une fois usés (plutôt que de les payer plus cher au départ, mais les garder plus longtemps).
On consomme plus, on jette plus, on produit plus. Toujours plus. C’est une spirale infernale qui donne le tournis et qui s’appuie sur nos achats compulsifs. On achète non plus pour ce dont on a besoin, mais « pour le plaisir ». Certes, mais à quel prix… ?
Il est peu cher, mais le prix véritable est bien payé par d’autres… (nous le verrons plus bas dans l'article).
Mais alors, quelles-sont les conséquences écologiques de ce système infernal ?
(indice : elles sont désastreuses)
Une industrie qui s’envole, une planète qui s’épuise
Tout d’abord, c’est l’écologie qui trinque du coût de nos tenues pas chères. L’industrie du textile pollue massivement et ce n’est rien de le dire.
C’est simple, un vêtement pollue tout le long de sa vie :
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à la production des matières premières ;
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lors de la transformation des matières premières ;
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durant le transport ;
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durant le lavage ;
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et enfin, durant le recyclage.
Commençons par le coton. Ah, le coton ! 26 % de nos vêtements en contiennent, selon l’Institut de l’Économie Circulaire, et 17,7 millions de tonnes ont été produites en 2015, d’après l’ADEME. Jusque-là, pas de problème.
Mais, il y a un hic. La production de coton est nocive pour la planète. Un quart des pesticides utilisés dans le monde est dédié à sa culture. Eh oui, quand même.
Le cotonnier a besoin de beaucoup, que dis-je, d’énormément d’eau ! Pour produire un t-shirt en coton, il faut 2 700 litres d’eau, soit la quantité consommée par un Français en 17 jours. Le cotonnier est un sacré goulu.
Pour l’anecdote, il y a près de 50 ans, en Ouzbékistan, la mer d’Aral était le 4e plus grand lac du monde. Aujourd’hui, elle est pratiquement à sec. La raison ? Les fleuves qui s’y jetaient ont été détournés au profit de la culture de coton.
Dans l’ensemble, l’industrie textile épuise les ressources en eau, et c’est près de 93 milliards de mètres cubes d’eau qui sont utilisés chaque année, selon la Fondation Ellen MacArthur.
Maintenant, attaquons-nous au polyester. Selon France Nature Environnement, 40 millions de tonnes de tissus en polyester sont produites chaque année. Elle représente près de 70 % des fibres chimiques fabriquées dans le monde. Or, elle n’est pas naturelle et provient du pétrole, une huile minérale qui émet énormément de CO2.
Énormément d’autres substances toxiques sont utilisées dans les usines pour teinter, délaver ou encore assoupir nos vêtements : chrome, mercure, plomb, cuivre, cadmium. Sacré cocktail !
Il existe une réglementation européenne, la loi REACH, pour limiter leur utilisation, mais c’est le flou total concernant les pays en développement. Et l’on retrouve ces produits dans la nature, à proximité des usines (c’est les habitants du coin qui doivent être contents). Mais les ouvriers ne sont pas épargnés et nous non plus, car les habits sont contaminés.
Ô joie !
Il est très probable que les vêtements bon marché que nous portions aient voyagé beaucoup plus que nous ! Du coton obtenu en Ouzbékistan, notre vêtement est ensuite filé en Inde, teint au Maroc, puis vendu en France. Cela représente tout de même près de 65 000 kms parcourus ! Soit 1 fois et demie le tour de la Terre.
Mais ne nous y trompons pas, dans l’industrie textile, ce n’est pas le transport qui produit le plus degaz à effet de serre, seuls 2 % des émissions d’après la Fondation Ellen MacArthur. Logique, un vêtement est assez léger et petit, ne prenant donc pas beaucoup de place dans un conteneur.
En fait, c’est la production de textile en elle-même qui en génère énormément. Elle émet près d’1,2milliard de tonne de gaz à effet de serre. Ça laisse bouche bée.
L'industrie du textile pollue et pas qu'un peu ! | Photo de Paul Gilmore sur Unsplash
Arrivé chez nous, notre vêtement ira alors régulièrement à la machine à laver. Mais à chaque lavage, des microfibres se détachent de nos vêtements. Elles sont si petites qu’elles ne peuvent pas être filtrées par les systèmes d’épuration. Et chaque année, encore d’après la Fondation Ellen MacArthur, c’est près de 500 000 tonnes de microfibres plastiques qui vont tout droit dansles océans, gobés ensuite par les poissons. C’est l’équivalent de près de 50 milliards de bouteilles en plastique.
Vous souvenez-vous des sympathiques substances toxiques dont nous parlions précédemment ? Pas de chance, elles se déversent également dans l’eau. 20 % de la pollution des eaux serait causée par la teinture et le traitement des textiles.
Et tout ça pour… jeter. Assez désespérant, non ?
Selon l’ADEME, en Europe, on se débarrasse de près de 4 millions de tonnes de textiles par an. Seuls 20 % des vêtements sont recyclés. En 2017, sur les 184 000 tonnes triées en France, deux tiers sont réutilisés pour être reportés et un tiers pour produire chiffons, isolants, etc. La majorité, les 80 %, finissent dans des décharges ou sont incinérés.
Prenez une grande respiration, ce n’est malheureusement pas fini.
Les vraies fashion victims
Nombre de marques ont délocalisées dans des pays où elles pouvaient payer des petites mains à peu de frais et les faire travailler à une allure infernale. Eh, pas fous !
Les salariés ne sont pas protégés par les États, ou si peu, sont généralement payés une misère et leurs conditions de travail sont bien souvent franchement indécentes.
Au-delà du salaire, ils travaillent régulièrement dans des conditions précaires et les mesures de sécurité laissent à désirer. Les infrastructures ne sont pas du tout adaptées à l’explosion de la demande des géants du prêt-à-porter. Toujours selon l’ADEME, 579 travailleurs sont morts entre 2009 et 2013 dans des incendies d’usine au Bangladesh.
Évoquons le tristement célèbre Rana Plaza, immeuble qui abritaient des ateliers de confection textile. Il s’est effondré le 24 avril 2013, causant la mort de 1 138 ouvrier-ouvrières. Les victimes travaillaient entre autres pour Mango, Benetton, Primark, Carrefour, Auchan ou encore Camaïeux.
Depuis, il y a eu des améliorations. Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir !
Know the Chain a publié un rapport, « 2018 Apparel and Footwear Benchmark » qui détaille, sur près de 43 entreprises du secteur de la mode, les risques du travail forcé dans les chaînes d'approvisionnement. Et c’est pas du joli. Deux tiers d’entre elles obtiennent un score inférieur à 50/100 et près d'un quart réalisent un score inférieur à 10/100.
Il n’est pas bon être une petite main de la fast fashion...
Car voici les véritables fashion victims. Ce sont elles aussi qui paient le vrai coût de nos vêtements bon marché.
D’ailleurs, 80 % des couturiers sont des femmes entre 18 et 35 ans, d’après Fairtrade.
Les enfants sont aussi concernés, principalement dans la culture du coton. Mais il semblerait qu’il y ait une nette amélioration (enfin !). D'après l’Organisation Mondiale du Travail, en 2019, le recours au travail des enfants a diminué dans les champs de coton ouzbeks.
Cependant, il faut rester sur nos gardes, car les femmes et les enfants sont les populations les plus vulnérables dans ce genre d’industrie, si ce n’est de manière générale.
Heureusement, délocalisation ne rime pas forcément avec exploitation. Le commerce équitable en est la preuve. Et dans le textile, certaines marques (dont Coton vert) font les choses bien, à leur petite échelle (plus d'infos).
Enfin, n’oublions pas non plus les autres victimes de ce système qui perd la tête.
Des victimes de tous poils
On évoque de plus en plus l’éthique et le bien-être animal dans la production de viande et autres produits animaux, mais quid dans l’industrie textile ?
Ici, les animaux ne sont pas mieux lotis que les travailleurs. Ce sont les autres victimes collatérales de cet immense rouage. Ils vivent, pour la majorité, dans des conditions difficiles, sont confinés et maltraités.
Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, les animaux abattus pour leur peau ne finissent pas toujours dans une assiette.
Beaucoup de personnes refusent aujourd’hui de porter de la fourrure, alertées par différents organismes de protection animale. Mais qu’en est-il des autres productions (laine, cuir, soie, etc.) ? Là aussi, on est encore bien loin des conditions d’élevage respectueuses des animaux…
Le cuir, synonyme de bien des souffrances...
Regardons du côté de la laine. Dans cette production, il est dénoncé une pratique appelée le museling, très souvent exercée en Australie où les moutons y sont élevés de manière intensive. Il s’agit d’une technique d’ablation de peau autour de la queue du mouton mérinos pour leur éviter d’être attaqués par des mouches. Plutôt sympa, vous dites ? Détrompez-vous, cette pratique est extrêmement douloureuse pour l’animal, qui est opéré sans antidouleur…
Et attardons-nous sur le cuir. La grande majorité des animaux (vaches, cochons, agneaux, moutons,mais aussi chevaux) vont vivre des moments franchement pas jojo : marqués au fer chaud sur la tête ou les pattes pour ne pas abîmer la peau, confinement dans de toutes petites cages en piteux état, castration sans antidouleur, infections et maladies, et pour finir, un effrayant trajet vers l’abattoir. Selon PETA, c’est près d’1 milliard d’animaux qui sont tués, chaque année, rien que pour le cuir. En matière de glamour, on a vu mieux.
Bien sûr, ce ne sont pas les seules filières où les animaux ne sont pas à la fête :
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les chèvres angoras, pour le mohair, en Afrique du Sud ;
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la production de peau de crocodile, au Vietnam notamment ;
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la production de visons, pour la fourrure, dont certaines fermes existent encore en France, etc.
C’est pas la joie.
Si vous souhaitez en apprendre d’avantages, tournez-vous auprès des sites des différentes associations de protection animale. Mais attention, ayez le cœur bien accroché, car certains détails ne sont vraiment pas agréables à lire ni à regarder…
Et bien sûr, je ne m’attarde même pas sur l’impact environnemental des exploitations animales dans l’industrie du textile, lui aussi catastrophique.
Bref, la mode c’est pas non plus l’éclate pour les animaux.
En bref
L’industrie file donc un mauvais coton…
Un constat pas franchement drôle, mais nécessaire.
Toutefois, ce n’est pas une fatalité. La bonne nouvelle c’est que de nombreuses alternatives commencent à émerger.
OUI, une autre façon de consommer et de produire est possible ! Et si nous sommes nombreux-ses à nous y mettre (tant les marques que les consommateurs), peut-être aurons-nous une chance de faire basculer le cours des choses...
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